Het zal wellicht nog een tijdje duren eer Colombe in het Frans verschijnt, maar er bestaat intussen een fragmentvertaling en een Franstalig leesrapport.
Voor wie al eens wil proeven, hier is een fragment uit het derde deel, waarin Amparo aan het woord is.
C’est Camille, la mère de Colombe, qui m’a appris à coudre. Quoique moins adroite que Colombe, j’aimais m’asseoir à table près d’elles. Leur table était en noyer foncé, avec des bords arrondis et polis, et elle fleurait toujours la cire. Camille l’enduisait régulièrement de cire d’abeille, puis remettait à chaque enfant un chiffon, avec lequel nous frottions la surface le plus fort possible. C’est à cette table que nous prenions les repas, faisions nos devoirs et apprenions à coudre.
Dès mon plus jeune âge, je restais souvent manger chez Camille. La nourriture n’avait pas le même goût que chez nous. Camille préparait des potages raffinés et servait toujours des légumes avec la viande. Sa cuisine avait la douce saveur du beurre. Chez nous, tous les plats sentaient l’huile d’olive et l’ail. Quand Colombe partageait notre repas, Camille se plaignait que notre haleine à toutes les deux empestait l’ail.
Chez Camille, aussitôt après le repas, on débarrassait la table que l’on nettoyait avec un chiffon humide. Camille se mettait tout de suite au travail. Nous avions la permission de nous asseoir près d’elle, elle nous confiait de menues tâches. Pour commencer, nous effilochions des chutes de tissu. Les fils servaient ensuite de rembourrage pour confectionner des tissus matelassés, des coussins et des poupées. Puis nous avons appris à broder au point de croix. Une fois nos doigts devenus suffisamment habiles pour réaliser des travaux plus délicats, elle nous a appris à ourler des mouchoirs. Et quand nous avons maîtrisé cette étape, elle nous a autorisées à coudre des ourlets de draps et de jupes. À cette époque, nous avons aussi appris à lire et à écrire. Nous fréquentions la petite école du prieuré. C’était une longue marche depuis chez nous, et nous n’y allions que de temps à autre. Plus tard, une école s’est installée au centre du village, et Colombe et moi nous y rendions chaque matin, comme tous les enfants. Après le déjeuner, les plus petits retournaient à l’école, Colombe et moi restions chez Camille.
Je me souviens qu’un jour, nous avons ourlé des draps pour le berger. Il y en avait plusieurs dans la région, mais quand nous disions « le berger », nous parlions de Michel.
Des draps pour un berger, voilà qui sortait de l’ordinaire. Ils sont censés dormir sur une paillasse, des fougères ou un lit de camp tressé. Mais apparemment, celui-ci avait un vrai lit. Et donc, une maison. On racontait qu’il possédait son propre troupeau de moutons, et qu’il attendait de pouvoir se marier avec l’une d’entre nous, moi ou Colombe. La rumeur circulait au village, on nous taquinait parfois à ce sujet. Camille disait que c’était n’importe quoi et qu’il ne fallait pas y prêter attention. Elle refusait même que nous l’évoquions. Cependant, Colombe et moi en parlions quand même.
« Tu n’auras qu’à l’épouser, toi, a-t-elle dit un jour.
«Tu es folle, ai-je répondu, je ne me marierai jamais !»
«Si tu ne te maries pas, tu ne pourras pas avoir d’enfants ! » a rétorqué Colombe. Elle aimait ses deux sœurs et son frère. Moi aussi, j’avais beaucoup d’affection pour eux. J’adorais jouer à la maîtresse avec eux et Colombe.
Plus tard, le berger est venu chercher ses draps. Ils étaient en toile de lin robuste. Nous avions cousu un ourlet tout simple, il n’avait pas besoin de broderies ou de dentelle.
Colombe et moi avons entendu le berger entrer, nous avons patienté dans la cuisine. Nous nous demandions ce dont ils pouvaient bien discuter.
« Il vient demander ta main », ai-je dit.
Colombe m’a donné une bourrade.
« Tu es folle ! » s’est-elle exclamée. C’était absurde, en effet. Nous n’avions que douze ou treize ans. Cependant, cette pensée ne m’a plus lâchée. L’idée que le berger allait venir chercher l’une de nous planait comme une ombre au-dessus de nos maisons.
Camille a refusé de nous raconter de quoi le berger lui avait parlé. « Il est venu payer », a-t-elle dit. Nous avons dû nous contenter de cette explication.
Ma mère ne voulait pas non plus entendre parler de la rumeur. Et je ne devais à aucun prix l’évoquer en présence de mon père. Je lui ai tout de même dit que je ne me marierais jamais.
« Tant mieux, a-t-il répondu, nous allons encore avoir bien besoin de toi. »
Ma mère a secoué la tête. Elle pensait que ça finirait par me passer.
Ça ne m’est jamais passé.